24 & 25 AVRIL 202410h - 17h
FORUM DE RECHERCHE-CRÉATION 2024
MAITRISE EN ARTS VISUELS ET MÉDIATIQUES UQAM

CAMILLE PIGEON
COMMENT DES PAGES ET DES MOTS DÉSASSEMBLÉS PEUVENT-ILS FAIRE ÉTAT D'UN TEMPS QUI FUIT EN DONNANT UNE VOIX À L’INDICIBLE ?
Dans ma pratique, je traite principalement du temps qui file et de la solitude. Le fil conducteur de mon travail s’enracine dans un fort rapport relativisé par le manque ou le surplus de temps. Terrifiée par le gaspillage de mon temps, par ma lenteur, je sens que je me cristallise dans l’indécidabilité de mes prochains gestes créateurs. Je suis constamment en quête de l’équilibre qui sait me tenir dans le présent, qui me permet d’avoir un éclaircissement d’esprit et une perte d’hésitation. J’écris sur le sentiment de se sentir impassible et handicapée dans un monde où le temps fuit. Pris dans la dystopie du temps, mon esprit est divisé par l’ardeur et crée en moi un ralentissement de productivité. Ce déséquilibre provoque une discordance temporelle et forme un paradoxe. Ainsi, je cherche à créer un juste équilibre entre le trop et le peu qui se concrétise par des projets minimalistes. Dire beaucoup avec peu tire l’essence de ce que je tente d’établir dans ma pratique.  En changeant le rapport avec la lecture, je permets une rencontre différente avec le texte. Je partage une parole imparfaite avec des mots qui font images et qui sont à la fois poétiques et vrais. Marqués par une certaine lenteur, mes gestes créateurs s’arriment à ma vie personnelle et prennent une place centrale dans ma pratique. Aussi, j’accorde une grande importance à la matérialité ainsi qu’au processus du faire. Dans mon travail, j’intègre à la fois l’impression numérique et la gravure sur bois. Ce sont deux techniques qui contrastent puisque l’une laisse voir les traces du processus et contient des imperfections tandis que l’impression numérique demeure dans une exactitude. Ainsi, je cherche l’équilibre qui combine l’imparfait au presque parfait.  
À travers mon travail, je cherche à modifier la perception du livre traditionnel et à faire sortir les mots de leur assemblage. Ainsi, je travaille le texte par fragmentation sur des supports inspirés du modèle du livre. En dehors du monde littéraire, j’expérimente à tâtons une façon personnelle de transmettre des mots écrits tout en assouvissant ma passion pour les arts imprimés. Par une approche que je qualifie de non-littéraire, je construis mes textes à partir de bribes de phrases non continues qui reflètent un état d’esprit anxieux et éparpillé. Utilisée comme matière, mon écriture prend la forme d’un jet informel, d’une suite de pensées, d’un trop-plein en train de se façonner. J’écris sur ce qui est impossible de définir par la parole. Mon écriture incertaine qui se manifeste avec fragilité est une écriture intime et près du soi, mais qui demeure éloignée. Je crois développer cette posture de près et de loin avec les mots : cette alternance entre le récit de soi et le récit en lien au monde externe. L’incertitude face à la vastitude du monde littéraire dans lequel j’apprends tranquillement à nager me jette dans l’espace précaire de l’entre-deux monde, ce qui explique en partie ma façon d’écrire.  
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