24 & 25 AVRIL 202410h - 17h
FORUM DE RECHERCHE-CRÉATION 2024
MAITRISE EN ARTS VISUELS ET MÉDIATIQUES UQAM

SARAH-JEANNE LANDRYQUELLE FORME D’ÉCRITURE DOIT-ON INVENTER POUR LUI PERMETTRE D’ÉPOUSER CELLE DE NOTRE PENSÉE ? Il arrive que quelque chose se bloque dans ma parole. Comme si la capacité de parler me quittait, tout à coup. La capacité de projeter au dehors de moi ce que j’ai en tête. Ou d’organiser ce que j’ai en tête dans une forme qui puisse être exprimée en mots. Ou de savoir par quel mot commencer ma phrase. Ou par quelle phrase commencer mon idée. Ou de bouger ma bouche pour faire des sons.

Mon travail prend ancrage dans le performatif. Mes actions sont intégrées au tissu même de ma vie quotidienne, et sont réalisées sans convier d'auditoire. Je travaille donc la performance invisible, sa documentation et sa mise en récit. Les protocoles que j'élabore agissent comme des laboratoires où mettre à l'épreuve une sensation d'inadéquation entre le monde et moi, que je comprends de plus en plus comme étant liés à ma neurodivergence. En ce sens, ils s'inscrivent dans une approche à la fois poétique et autothéorique. J'ai exploré, pour documenter ces micro-performances, diverses stratégies de création de traces : collecte d’artéfacts, captation vidéo et photographique automatisée, enregistrement sonore, écriture in situ et rédaction de verbatims. Je donne ensuite forme à ces documents dans le livre d'artiste. J'ai développé, en travaillant de cette manière, un langage plastique et littéraire fonctionnant par association de fragments d’archive, sensible aux frottements, aux ambiguïtés et aux coïncidences.  

Mon entrée à la maîtrise propulse à l'avant-scène de mes difficultés un trouble avec l'expression orale. Après avoir essayé de la masquer sans succès, je suis forcée d'y réfléchir. Je devins curieuse de cette incapacité à exister sereinement dans la parole, et cette inaptitude m'apparaît comme un lieu d'exploration artistique fécond, tout comme son ancrage dans les enjeux neurodivergents. J'entends donc étudier mon propre rapport à la parole dans une approche autothéorique par la création d'une œuvre textuelle conceptuelle. Il s'agit de tenter de comprendre l'articulation pensée/parole, les périodes de mutisme, les entraves au langage, la parole trébuchante, hésitante, qui échoue à s'organiser, la parole comme expérience de dénaturation et comme lieu de trauma. Il s'agit également de considérer la parole comme espace liminal entre le dedans (soi) et l'extérieur (le monde), et comme lieu de traduction d'un mode de conceptualisation libre (la pensée) vers un système codifié et linéaire (le langage). 

Quelle forme d'écriture doit-on inventer pour lui permettre d'épouser celle de la pensée? Quelle forme de relation s'établit avec le public/lectorat lorsqu'on se livre à lui d'une manière qui tend vers la transparence la plus complète?  Comment mettre de l'avant le texte comme matière conceptuelle dans une pratique des arts visuels? 
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Forum de recherche-création  2024 — Maîtrise en arts visuels et médiatiques
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