FORUM DE RECHERCHE-CRÉATION 2024
ÈRE DU NUMÉRIQUE ET CAPITALISME ALGORITHMIQUE : DÉCÉLÉRER LE REGARD PAR LA PEINTURE FIGURATIVE
Les écrans les maquillent de plaisirs instantanés,
De productivité.
D’accumulation.
Éclat de consommation ! Bonheur d’occasion !
Le flux d’images s’accélère, le regard tourbillonne,
La pensée se ramollit.
Le corps se détache, et nos consciences aussi.
Je prendrais bien un café.
Regard brouillé, œuf tourné. Pain blanc ou pain brun ?
Y’a-t-il un pain fait à la main, par des gens pas trop loin, cuisinant avec des grains juste un peu transformés, de l’eau végane et des plantes en liberté ?
Y’a-t-il un pain qui dépose, qui traverse mon corps et tisse le lien entre ma pensée, intangible, et mes organes, palpables et sédentaires ? Un pain qui atténuerait la culpabilité, l’aveuglement, l’individualisme, l’homogénéité et le rationalisme ?
Non, cette demande ne relève pas la pieuse en moi.
Mais simplement de l’hérésie de la peintre.
En tant que peintre à l’ère du numérique, je pose un regard critique sur notre société technocrate, et le culte de l’écran et de l’image qu’elle engendre. Je m’interroge sur la circulation exponentielle des images en ligne et les algorithmes régissant nos écrans. Je désire entrer en dialogue avec nos manières de voir si structurées et faire appel au corps, un corps aliéné et de plus en plus détaché du monde dans lequel il baigne. Par la matérialité de la peinture, je prends d’un côté conscience de mon corps ; et d'un autre côté, je prends conscience du mythe de l’immatériel de l’univers numérique, son infonuagique et sa récolte massive de données. Sous nos doigts, l'alléchant design de nos technologies numériques et l’hyper productivité qu’elles nous présentent nous empêchent de comprendre, de questionner, de voir autrement. Un désir de voir et d’être différemment au sein d’un environnement envahit d’écrans qui saoulent nos regards : voilà ce qui nourrit ma pratique. Ma peinture interroge, rend visible, recontextualise, revisite et célèbre. Elle représente nos corps : ces corps aliénés et posés, uniques et collectifs, privés et publics, mutants et périssables, en ligne et hors ligne.