FORUM DE RECHERCHE-CRÉATION 2024
PARTAGER SON CORPS ET SA VIE AVEC DES PLANTES D’INTÉRIEUR
L'origine de ce projet réside dans mon impression que l’humain se distancie relationnellement des êtres autres qu’humains. Face à cette distanciation relationnelle, je me suis interrogé sur la manière dont mon corps peut devenir un espace propice au développement des plantes d'intérieur. J’explore donc une déstructuration du rapport de domination par des explorations relationnelles de réciprocité. J’ai choisi d'incuber une semence provenant d'une plante de mon appartement avec mon corps, puisque nos environnements intérieurs sont trop secs au Québec pour offrir les conditions nécessaires à la germination. Toutefois, mon corps produit toutes les conditions idéales pour qu’une semence de plante d’intérieur germe. J’ai l’intention de l’arroser avec l’eau que rejette mon corps, en cueillant, par distillation, l’eau de mon urine. Le projet prendra fin lorsque la plante n'aura plus besoin d'être incubée.
Mon travail matérialisera une réflexion sur la relation actuelle entre l'humain et le végétal. Afin de laisser place à mon expérience personnelle et à la relation, il n'y aura pas de plantes dans le lieu d'exposition. Dans ma pratique, je cherche à rendre visible et tangible l’aspect invisible des relations. Je travaille au sein d’un espace intime, puisque cette intimité est isolée du monde extérieur qui me parait déraciné de la vie. La société me semble déconnectée de la réalité, principalement en raison de la prédominance d'actions égoïstes qui négligent la vie des êtres vivants autres qu’humains. En vue d’un partage expérientiel de mon intimité, mon installation sera composée d’une sélection de ma cueillette documentaire, par une multiplicité de photographies, d’écrits et d’une vidéo de l’expérience d’incubation.
Au cours des deux dernières années, j’ai réalisé plusieurs actions intimistes avec les plantes d’intérieur, telles que Peau à pot (2023), une représentation de mes tentatives de transporter des plantes d’intérieurs avec une écharpe de transport ; Sommes-nous folles ? (2022), une installation fragmentaire de mon expérience à fusionner mon hygiène de vie en partageant mes douches avec les plantes qui cohabitent avec moi ; Est-ce que mon corps peut être un tapis chauffant ? (2023) est l’essai expérimental d’un dispositif d’incubation en vue de l’incubation de la semence. Je suis consciente que mon rapport aux autres êtres vivants peut sembler radical parce que mon travail suscite une réflexion sur notre attitude axiologique envers les plantes et, plus largement envers toutes les entités de ce monde.